Déterminer l’âge d’une étoile peut sembler impossible : aucun calendrier cosmique, aucune “carte d’identité” suspendue dans l’espace. Pourtant, cette estimation est au cœur de l’astrophysique moderne. Car en donnant un âge à une étoile, on reconstitue un chapitre de l’histoire du cosmos. C’est un travail d’horloger stellaire, aussi rigoureux que fascinant.
Est-ce qu’une étoile a un âge ?
Spoiler : oui. Car les étoiles naissent, vivent, et ont une fin de vie. Et savoir quel âge elle a, c’est comme connaître la date de naissance d’un personnage dans une histoire… sauf que cette histoire parle de l’Univers entier !
Pourquoi dater une étoile ?
Attribuer un âge aux étoiles ne relève pas du simple exercice académique. C’est une clé essentielle pour comprendre :
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l’évolution de notre propre étoile, le Soleil, et du système solaire, et ce qui les attend dans les milliards d’années à venir ;
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la formation et la dynamique de la Voie Lactée et des galaxies qui l’entourent ;
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la naissance des systèmes planétaires, y compris les exoplanètes découvertes en grand nombre depuis une vingtaine d’années.
Autrement dit, connaître l’âge d’une étoile permet de situer dans le temps les grandes étapes de l’évolution de l’Univers observable. C’est un peu comme faire de la généalogie cosmique !
Mais… comment on fait ?
Pour dater une étoile, les astrophysiciens n’utilisent ni calendrier ni carte d’identité. Voici quelques-unes de leurs méthodes :
1. Les atomes radioactifs (comme pour les fossiles !)
Sur Terre, on utilise le carbone 14 pour dater des objets anciens. Dans l’espace, on fait pareil, mais avec d’autres éléments radioactifs présents dans les étoiles ou les météorites. Grâce à ça, on sait que notre Soleil a 4,57 milliards d’années ! Il s’agit cependant d’une méthode applicable seulement à une poignée d’étoiles.
2. La lumière des étoiles
Chaque étoile émet une lumière bien particulière. En la décomposant avec un outil appelé spectroscope, on peut en déduire sa température, sa composition chimique… et son état d’évolution.
3. Les modèles d’évolution stellaire
En comparant les caractéristiques d’une étoile (taille, luminosité, chimie…) à des modèles informatiques, on peut estimer son âge. C’est un peu comme estimer l’âge d’un arbre en regardant sa hauteur et ses feuilles.
4. L’astérosismologie (oui, ça existe…)
Les étoiles vibrent. Ces vibrations peuvent être enregistrées, un peu comme si on captait les sons dans une cloche. En étudiant ces oscillations, on découvre ce qui se passe à l’intérieur… et ça nous donne leur âge avec une précision jamais atteinte. Pour reprendre l’image de l’arbre, c’est comme lui donner un âge en regardant l’intérieur de son tronc.
À quoi ça sert ?
Savoir l’âge d’une étoile, ce n’est pas juste une prouesse technique. Cela permet de comprendre comment les éléments chimiques sont fabriqués dans l’Univers, de suivre la naissance et la mort des étoiles, et donc la création de planètes. C’est aussi comme ça qu’on peut reconstruire l’histoire du cosmos, depuis le Big Bang jusqu’à aujourd’hui.
Et maintenant ?
Grâce aux nouveaux satellites comme PLATO, on cherche à atteindre une précision de l’ordre de 10% sur l’âge des étoiles semblables au Soleil. Un défi à portée de main grâce aux données issues de la mission Gaia, qui cartographie plus d’un milliard d’étoiles avec une précision inégalée, aux précédentes missions CoRoT et Kepler, et au développement des modèles informatiques depuis plus de 20 ans.
La prochaine fois que vous levez les yeux vers le ciel, demandez-vous : quel âge a cette lumière ? Elle a peut-être commencé son voyage… avant même que la Terre n’existe !
Par Morgan Deal, astrophysicien à Montpellier (CNRS / LUPM)