Par Hervé Jourde, hydrogéologue Université Montpellier, laboratoire Hydrosciences Montpellier
C’est à Nîmes, autour de la mythique Fontaine, que s’est tenu en mai dernier le 13ᵉ workshop du SNO KARST, un rendez-vous incontournable pour celles et ceux qui tentent de percer les secrets des aquifères karstiques. L’événement a été accueilli cette année par le BRGM de Montpellier, en charge de cet observatoire scientifique. Mais le karst, c’est quoi au juste ? Un réseau souterrain de galeries creusées dans la roche calcaire, où l’eau s’infiltre, circule et ressurgit sous forme de grandes sources. Dans le sud de la France, le karst joue un rôle majeur non seulement dans l’alimentation en eau potable, mais aussi dans les phénomènes d’inondation !
Crues éclairs : quand le karst amortit ou amplifie la catastrophe
L’un des temps forts du workshop a été le retour d’expérience consacré à la Fontaine de Nîmes. Cette source emblématique illustre de manière saisissante les risques associés aux crues soudaines. Lors d’épisodes de pluies intenses pouvant atteindre, voire dépasser, les 400 mm en une seule journée, les eaux ruissellent depuis les collines environnantes où s’engouffrent dans un réseau complexe de galeries souterraines, puis convergent vers les cadereaux (ces cours d’eau généralement à sec qui drainent les eaux des garrigues) et le centre-ville. Résultat : des inondations brutales, comme celle de 1988, qui fit neuf victimes et causa près de 600 millions d’euros de dégâts. Depuis, la ville de Nîmes a mis en place un dispositif de surveillance hydrologique et un système d’alerte précoce visant à anticiper et atténuer l’impact de ces épisodes extrêmes.
Cartographier le labyrinthe des galeries souterraines
Pour mieux comprendre comment l’eau circule dans la roche, les scientifiques s’appuient sur les plongeurs spéléologues, qui connaissent le réseau de galeries comme personne, et emportent sous terre du matériel de haute technologie pour enregistrer en 3 dimensions la morphologie des galeries. Cette collaboration unique a permis aux hydrogéologues de mieux comprendre le rôle de la géométrie des conduits karstiques sur la circulation des colorants, des traceurs essentiels et inoffensifs pour l’environnement, qui, transportés par les eaux souterraines, réapparaissent aux sources en quelques heures, quelques jours, voire parfois plusieurs mois et nous révèlent la complexité des écoulements souterrains !
Observer les sources jour et nuit
Parmi les avancées marquantes présentées lors du workshop, figurait le développement de dispositifs permettant la collecte de données en continu tout au long de l’année aux sources karstiques. Grâce à ces informations sur le débit, la température ou encore la minéralisation des sources, les scientifiques comprennent de mieux en mieux comment s’écoulent l’eau dans le sous-sol, pendant les crues comme pendant les épisodes de sécheresse. Ce focus sur la Fontaine de Nîmes a permis de présenter sur site les avancées récentes relatives à la mesure du contenu organique des eaux. Combinées à des analyses microbiologiques et d’ADN environnemental, ces techniques ouvrent la voie à la mise en place de systèmes d’alerte précoce pour la détection des contaminations.
Modéliser pour mieux prévoir
Les modèles, outils essentiels développés par les scientifiques du SNO Karst, permettent de simuler, avec la pluie qui tombe, les débits qui sortent aux sources et le niveau des eaux souterraines. De plus en plus sophistiqués, ces modèles intègrent les données recueillies sur le terrain et depuis l’espace afin d’anticiper les crues, mieux comprendre le fonctionnement des aquifères, et prédire l’évolution des ressources en eau face aux changements climatiques.
Remonter le temps jusqu’au moment de la formation du karst
Les présentations ont également porté sur la formation de ces réservoirs d’eau, issus du processus de dissolution de la roche calcaire. Car les réseaux de galeries ne se forment pas au hasard ! Plonger dans l’histoire géologique de ces aquifères, il y a des milliers voire des millions d’années, c’est ouvrir une fenêtre sur les chemins secrets que l’eau emprunte de nos jours.
Des données, encore des données !
Enfin, la communauté a discuté de données et encore de données ! Car collecter des données de qualité est la grande mission du réseau SNO Karst. Il est essentiel de les mutualiser, de les standardiser et de les traiter rigoureusement pour mieux comprendre et prédire le fonctionnement des aquifères karstiques. Le SNO Karst continue de structurer et de porter cet effort collectif, avec le soutien du CNRS et des universités partenaires.
En savoir plus
- Pour plonger plus loin dans les entrailles du karst et découvrir tous les projets en cours :
- Lien chaîne YouTube (vidéo 7min)