Parce que la science n’avance pas seule. Elle se construit sur le terrain, dans les classes, dans les mairies, dans les médias, sur les réseaux sociaux et parfois même dans les studios de création ! Pour que la science soit utile, encore faut-il la raconter, la transmettre et l’incarner dans le débat public. Scientifiques, responsables de collectivités, gestionnaires de l’eau et des territoires, médiateur·rices scientifiques et culturel·les et journalistes de la région se sont retrouvés pour dialoguer autour d’expériences concrètes où la science se met au service de la société.
Le 13 novembre 2025, l’Institut de Botanique de Montpellier a accueilli la Journée Science & Société de l’OREME. Une journée dense qui a mis en lumière un ensemble de collaborations qui font vivre la science au cœur des territoires, des établissements scolaires, des collectivités et même de la création artistique.
Récap
Le replay est disponible à la fin de cet article.
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Quelle place pour les sciences dans le débat public ?
Patrick Lemaire – Directeur de recherche CNRS (CRBM), Président du Collège des Sociétés Savantes académiques de France
Comment faire exister une parole scientifique fiable, accessible et non partisane, dans un monde où les faits eux-mêmes sont parfois considérés comme des opinions politiques ?
Patrick Lemaire a rappelé :
- l’érosion progressive de la confiance envers la science ;
- l’importance de défendre la liberté académique ;
- la nécessité d’une interdisciplinarité réelle, où SHS et sciences expérimentales dialoguent ;
- l’enjeu de trouver des relais vers la société (journalistes, associations, enseignants…) pour diffuser des connaissances robustes.
Il a présenté le projet national “Trajectoires pour demain”, initiative interdisciplinaire visant à fournir des synthèses scientifiques factuelles sur les grands thèmes qui traverseront la campagne présidentielle de 2027, sans écrire de programme politique, mais en apportant des repères clairs sur les faits.
“La science n’a pas à dire ce qu’il faut faire, mais elle doit rendre intelligible ce qui est en jeu.”
Du labo à la classe : faire entrer la recherche dans les lycées
Mathieu Sicard (Professeur / ISEM, Université de Montpellier)
Patrice Fabre (Inspection pédagogique régionale SVT, Académie de Montpellier)
Né d’un partenariat entre l’Université de Montpellier, l’Académie de Montpellier et les laboratoires de recherche, le dispositif Du labo à la classe permet à des enseignants de s’approprier des publications scientifiques récentes afin d’en faire des activités pédagogiques utilisables en classe.
Fonctionnement :
- un chercheur choisit un article scientifique emblématique ;
- un groupe mixte (chercheur + enseignants) travaille à le décoder, l’expliquer, puis le transformer en poster pédagogique ;
- une activité clé-en-main est co-construite pour être utilisée dans les classes ;
- le tout est publié dans un ouvrage national distribué à plus de 11 000 établissements scolaires.
Le prochain volume, consacré à l’eau, implique 55 enseignants et 13 chercheuses / chercheurs issus de plusieurs laboratoires OREME.
Une initiative exemplaire de transmission et de formation croisée, qui nourrit autant les enseignants… que les scientifiques.
Un scientifique à la mairie : la science au service des décisions locales
Bertrand Plez – Astrophysicien (LUPM) et Professeur à l’Université de Montpellier, Premier adjoint à la maire de Prades-le-Lez
Bertrand Plez a partagé son expérience d’élu local dans une commune bordée par des zones Natura 2000 et la source du Lez. Son engagement citoyen repose sur un principe : agir là où l’impact est concret et immédiat, à l’échelle de la commune.
Grâce à sa culture scientifique, il a pu :
- raisonner sur les faits et non sur les impressions ;
- décrypter des dossiers techniques complexes ;
- conduire des expérimentations locales, notamment sur l’éclairage public (réduction de la pollution lumineuse, installation de LED ambre, sondage rigoureux auprès des habitants, mesures et analyses) ;
- favoriser la transparence et la participation citoyenne.
Son témoignage montre comment la méthode scientifique peut nourrir l’action publique… et aider à prendre de meilleures décisions collectives.
Biodiversité du Lez : une collaboration science-collectivité
Olivier Gimenez (Directeur de recherche CNRS – CEFE)
Stéphanie Grosset (Chargée de mission Biodiversité, Ville de Montpellier)
Le Lez, colonne vertébrale de Montpellier, est un espace naturel où la biodiversité évolue sous l’effet du climat, de l’urbanisation et des usages de la ville.
Olivier Gimenez et Stéphanie Grosset ont présenté le travail conjoint entre le CEFE et la Ville de Montpellier :
- suivis réguliers de la faune (oiseaux, mammifères, biodiversité cryptique) ;
- identification des pressions urbaines ;
- appui scientifique aux décisions (gestion des berges, continuité écologique, aménagements).
Une démarche exemplaire de science appliquée au territoire, directement utile aux gestionnaires et aux habitants.
Risques naturels à Pégairolles-de-l’Escalette
Stéphanie Gautier (Maîtresse de conférences, Université de Montpellier – OMIV)
Frédéric Roig (Maire de Pégairolles-de-l’Escalette)
Située en zone rouge du Plan de Prévention des Risques, la commune de Pégairolles-de-l’Escalette vit avec des aléas naturels importants.
Depuis plusieurs années, un suivi scientifique – mouvements de terrain, instabilités rocheuses, instrumentation – est mené en lien très étroit avec le maire, Frédéric Roig.
Ce partenariat permet :
- un diagnostic scientifique fin du risque ;
- une surveillance continue ;
- des décisions publiques éclairées concernant l’urbanisme et la sécurité des habitants.
Une illustration forte de ce que peut apporter la science aux petites communes confrontées aux effets du changement climatique.
Données scientifiques : quand la société s’en empare
Mathilde Drouet & Amélie Fargevieille (CEFE – Projet FAIR-Birds)
Le projet FAIR-Birds s’inscrit dans le mouvement de la science ouverte : rendre les données sur les oiseaux plus accessibles, mieux documentées, mieux réutilisables.
Son objectif : que les citoyens, les associations, les scolaires et même les collectivités puissent visualiser, comprendre et utiliser des données ornithologiques produites par la recherche.
Le projet travaille sur :
- l’ouverture des jeux de données ;
- la standardisation des formats ;
- la visualisation adaptée à chaque public.
Une démarche qui connecte écologie scientifique et société civile.
La Plateforme Données de l’OREME
Julien Huon & Juliette Fabre (Plateforme Données – OREME)
Juliette Fabre et Julien Huon ont présenté les coulisses de la plateforme data.oreme :
- collecte, structuration et pérennisation de données d’observation à long terme ;
- accompagnement des chercheurs et des SNO/SO ;
- ouverture des données pour les rendre utiles au-delà du monde académique.
Un travail essentiel pour organiser ce patrimoine scientifique unique et le rendre accessible.
Quand la science rencontre la création : Les Fées Spéciales
Éric Serre & Flavio Perez (Studio Les Fées Spéciales)
La matinée s’est conclue sur une note artistique avec le studio d’animation montpelliérain Les Fées Spéciales, qui travaille régulièrement avec les sciences pour raconter autrement les données, les phénomènes ou les concepts.
Ils ont montré comment :
- des données brutes peuvent devenir récits visuels ;
- l’animation et l’image animée permettent de rendre visibles des mécanismes complexes ;
- l’art constitue un formidable vecteur de médiation scientifique.
Une démonstration puissante du potentiel de la créativité au service de la science.
Atelier “Données” : raconter et transmettre des données d’observation aux élèves
Avec Juliette Fabre, Olivier Lobry, Julien Huon (Plateforme Données OREME) et Mathilde Drouet (CEFE).
L’atelier a réuni enseignants, scientifiques et l’équipe “Données” de l’OREME pour explorer un enjeu clé : comment faire entrer les données d’observation dans les classes, de manière simple, stimulante et fidèle à la recherche. À partir de données scientifiques et d’échanges guidés, les participants ont identifié les usages pédagogiques possibles (TP, projets, sorties, analyses de séries temporelles…), les formats les plus adaptés (graphiques, tableaux, cartes, documents commentés) et les obstacles rencontrés sur le terrain (accès, interprétation, volumétrie, contextualisation). Ils ont également formulé leurs besoins : outils simples, données contextualisées, tutoriels, jeux d’exemples et ressources en ligne.
L’atelier a fait émerger des pistes très concrètes de collaborations profs–scientifiques pour créer de nouvelles ressources pédagogiques basées sur des données réelles – notamment autour de la phénologie, des glissements de terrain, du milieu marin, des scarabées ou encore des animaux suivis par GPS.
Atelier “Journalistes et Scientifiques” : mieux se comprendre pour mieux transmettre
Avec Coline Arbouet (La Gazette de Montpellier), Magali Reinert (AJSPI) et Nicolas Le Moigne (Géosciences Montpellier, OREME).
Cet atelier a réuni journalistes et scientifiques pour creuser un constat simple : tout le monde parle souvent de la même chose… mais pas de la même façon. Les journalistes ont partagé leurs réalités – urgence du bouclage, manque de temps, titres parfois imposés, impossibilité de tout faire relire, réduction des effectifs – tandis que les scientifiques ont exprimé leurs craintes : simplification excessive, perte de contrôle sur leurs propos, sujets sensibles exposés dans l’espace médiatique, ou encore frustrations liées à des interviews très longues pour un encart final parfois minuscule. Ensemble, le groupe a identifié les principaux points de friction : la relecture, l’angle du papier, la temporalité, la frontière entre expertise et opinion, et le choix des interlocuteur·rices (avec la tentation médiatique des “bons clients”).
L’atelier a surtout permis de dégager des leviers très concrets pour mieux collaborer. Côté scientifiques : poser des questions avant l’entretien (format, angle, durée), formuler clairement les messages clés, accepter la simplification, proposer une relecture factuelle sans chercher à valider tout l’article. Côté journalistes : expliciter les contraintes éditoriales, préciser ce qui peut – ou non – être relu, valoriser la nuance et demander des exemples concrets pour rendre les sujets intelligibles au public. Toutes et tous ont souligné l’importance d’un dialogue de confiance pour une information scientifique fiable, compréhensible et utile – et rappelé qu’au-delà des médias, d’autres espaces existent pour faire circuler la science : tables rondes, conférences, actions de médiation, formations, ou programmes immersifs “journalistes-scientifiques”.
Atelier “Médiation scientifique” : construire des actions de médiation qui font mouche !
Avec Chrystelle Amblard (Ville de Montpellier), Marie Pequignot et Agnès Duri (Genopolys).
L’atelier a proposé un espace très pratique où tester, analyser et améliorer des dispositifs de médiation existants. Après un brise-glace permettant d’identifier les postures et expériences de chacun, les participants ont travaillé sur les raisons profondes de “faire de la médiation”, puis ont challengé des outils concrets : jeux, dispositifs interactifs, activités de terrain ou formats immersifs. Chaque projet a été examiné collectivement : est-il facile à prendre en main ? transmissible ? adaptable à d’autres publics ? quelles améliorations permettraient de le rendre autonome et réutilisable ? Les échanges ont permis d’identifier des leviers communs – narration, clarté des objectifs, modularité, documentation, sobriété matérielle – et de repartir avec des idées partagées, des retours constructifs et des contacts pour faire évoluer des actions de médiation qui “font mouche”.
Replay
Le replay complet en vidéo :
Présentation des intervenants
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