Dans un monde en perpétuel changement, comprendre notre environnement et ses interactions devient crucial. Le 12 novembre 2024, dans le cadre de l’Année des Géosciences, l’Observatoire de Recherche Montpelliérain de l’Environnement (OREME) a rassemblé scientifiques, enseignants, acteurs locaux et citoyens pour une journée exceptionnelle intitulée « Voyage en Géosciences : de la planète habitable aux ressources minérales critiques« . Cette rencontre s’est tenue à La Panacée, à Montpellier, et a permis d’explorer les défis environnementaux et sociétaux auxquels nous sommes confrontés, sous un prisme scientifique, interdisciplinaire et accessible à tous.
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Matinée : de la Terre aux étoiles, l’habitabilité au cœur des débats
Pourquoi la Terre est-elle habitable ?
Pascal Philippot, directeur de recherche au CNRS (Géosciences Montpellier), a retracé les conditions qui ont permis à la Terre de devenir habitable. Avec une approche mêlant géodynamique interne et innovations biologiques, il a exploré les grands événements comme l’oxygénation de la planète il y a 3 milliards d’années et l’émergence des eucaryotes. Les zircons australiens, qui portent des traces d’eau datant de 4,4 milliards d’années, illustrent que les conditions propices à la vie étaient réunies très tôt. Sa question finale reste en suspens : la vie façonne-t-elle la géodynamique terrestre ou est-ce l’inverse ?
Exoplanètes et le mythe de la Planète B
Ana Palacios, astronome à l’Université de Montpellier et rattachée au laboratoire LUPM, a élargi le cadre en abordant les exoplanètes.
Elle a brossé un panorama des méthodes de détection et de la zoologie des exoplanètes, rappelant que la caractérisation de ces mondes orbitant autour d’autres étoiles est fortement liée à celle de leur étoile-hôte. Faisant le constat de l’absence de détection d’exoplanètes comme la Terre, orbitant autour d’étoiles comme le Soleil dans la zone habitable, elle a présenté la mission PLATO qui a pour objectif de combler cette lacune. Ana Palacios a enfin rappelé que l’habitabilité est une notion complexe, et que la quête des exo-Terres a pour but de mieux comprendre nos origines. Comme le rappellent régulièrement les astrophysiciens, “il n’y a pas de Planète B”.
Comprendre les crues et inondations : des enjeux locaux et globaux
Jean-Louis Perrin, chargé de recherche à l’IRD (HydroSciences Montpellier), a alerté sur l’aggravation des risques d’inondations en raison de l’urbanisation croissante et de l’imperméabilisation des sols. En amplifiant le ruissellement des eaux et en surchargeant les infrastructures de drainage urbain, ces transformations accentuent la fréquence et l’intensité des crues soudaines, particulièrement en milieu urbain. Ses travaux mettent en lumière la nécessité d’une gestion plus durable du cycle de l’eau, avec des infrastructures adaptées et une meilleure planification territoriale pour prévenir les catastrophes.
Aléa sismique en France : où sont les failles à surveiller ?
Jean-François Ritz, directeur de recherche au CNRS (Géosciences Montpellier), a plongé l’audience dans l’univers complexe des failles actives métropolitaines. Bien que la France ne soit pas une zone de forte activité tectonique car située en domaine intraplaque, des séismes modérés à forts (magnitudes 5 à 6 voire plus) peuvent survenir, notamment dans les Alpes, les Pyrénées et le fossé rhénan, mais aussi en Provence, dans la vallée du Rhône, en Bretagne et Normandie ou dans le nord de la France, sur d’anciennes zones de failles (voir réseau FACT). En analysant les failles actives et leurs potentiels mouvements, Jean-François Ritz a souligné l’importance de l’analyse paléosismologique, c’est-à-dire l’analyse des déformations qui affectent les dépôts quaternaires, afin de caractériser les séismes du passé. Ses recherches contribuent à mieux comprendre les mécanismes à l’origine de ces séismes, et déterminer l’aléa sismique qui leur est associé.
Le Grand Rift Africain : une fenêtre sur l’évolution géologique de la Terre
Christel Tiberi (CNRS – Géosciences Montpellier) et Tony Rey (Université Paul-Valéry Montpellier – LAGAM) ont offert une exploration captivante du Grand Rift Africain, une des régions les plus dynamiques géologiquement au monde. Cette immense fracture, qui s’étend sur des milliers de kilomètres, témoigne de la rupture progressive de la plaque tectonique africaine. Leur présentation a combiné géologie et géophysique et géographie des risques naturels pour décrypter les processus à l’œuvre dans cette zone, où nait un nouvel océan. Ils ont également mis en avant les conséquences de cette activité tectonique et volcanique sur les écosystèmes, les ressources naturelles, les populations et leurs activités.
Entre science et technologie : les interludes techniques
Jean Kempf, ingénieur d’étude au CNRS, du laboratoire CEFE, a présenté la tour à flux, un équipement mesurant les échanges de gaz entre le sol et l’atmosphère. Ces données sont essentielles pour comprendre les cycles du carbone et anticiper les changements climatiques.
Quant à Martin Foin, doctorant en 3ème année (UM/CNRS) du laboratoire Géosciences Montpellier, il a introduit un nouveau prototype de « strainmeter« , un instrument novateur pour surveiller les déformations tectoniques, volcaniques et karstiques. Ces outils illustrent l’interdisciplinarité de la recherche environnementale, mêlant optique, physique et géologie.
Une table ronde sous haute tension : ressources minérales et transition énergétique
Dans un contexte de transition énergétique, les ressources minérales critiques sont devenues un enjeu stratégique mondial. Les métaux comme le lithium, le nickel, ou encore le cobalt sont indispensables à la fabrication des batteries, des éoliennes et des panneaux solaires, piliers des énergies renouvelables. Pourtant, l’Europe – et en particulier la France – reste largement dépendante des importations, notamment en provenance de la Chine, de l’Australie ou encore du Chili. Cette dépendance soulève des questions de souveraineté, d’approvisionnement sécurisé et de durabilité.
Un état des lieux des ressources et des besoins
Bénédicte Cenki, maîtresse de conférences à l’Université de Montpellier, affiliée au laboratoire Géosciences Montpellier, a ouvert le débat en présentant un panorama des besoins croissants en métaux dans un monde en pleine transition énergétique. Elle a exposé les paradoxes européens : bien que les politiques environnementales visent à réduire les émissions de CO2, elles ne s’accompagnent pas encore d’une stratégie complète pour l’autonomie minière. Elle a rappelé que, selon le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), le Massif armoricain et le Massif central en France regorgent de ressources minérales. Elle rappelle que les différents scénarios de sociétés peuvent avoir des impacts très différents sur la demande en métaux et minéraux, notamment si la sobriété est prise en compte.
Vers une souveraineté minière durable
Olivier Vidal, directeur de recherche au CNRS au laboratoire IsTerre Grenoble, a présenté les enjeux liés à la réouverture des mines en France. Relancer l’activité minière en métropole pourrait réduire la dépendance aux importations, mais nécessite une réflexion approfondie sur les impacts économiques, sociaux et écologiques.
Olivier Vidal plaide pour une exploitation durable et raisonnée des ressources françaises, affirmant que le modèle actuel, basé sur une importation massive de métaux, n’est pas viable à long terme. Il met en garde contre la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales, déjà exposée par le quasi-monopole chinois sur les terres rares. La France dispose d’une occasion unique de développer une stratégie intégrant l’économie circulaire, le recyclage des métaux et l’exploitation locale responsable. Cette vision nécessiterait une volonté politique affirmée et des réglementations rigoureuses pour garantir que ces pratiques minières soient à la fois durables et respectueuses des enjeux environnementaux et géopolitiques.
Les impacts environnementaux des mines
L’exploitation minière soulève des problématiques environnementales majeures, comme l’a rappelé Corinne Casiot, directrice de recherche au CNRS (HydroSciences Montpellier). Les activités minières, qu’elles soient anciennes ou contemporaines, génèrent des pollutions durables, notamment par la dispersion des métaux lourds dans les sols et les eaux. Ces impacts nécessitent des solutions technologiques avancées pour minimiser les risques environnementaux et sanitaires.
Le lien entre mines et territoires
Juliette Cerceau, maître de conférences au IMT Mines Alès, elle aussi associée au laboratoire HSM, a souligné l’importance de l’acceptabilité sociale des projets miniers. En étudiant les trajectoires des territoires post-miniers, elle a démontré que la réussite de tels projets dépend d’une gouvernance partagée, où la voix des populations locales est intégrée dès le départ. Les expériences en Cévennes, où les anciennes mines d’antimoine ont laissé des traces profondes, montrent que la réhabilitation des sites et le soutien aux communautés impactées sont essentiels pour instaurer la confiance.
Mines et biodiversité : un équilibre fragile à préserver
Jérôme Cortet, professeur à l’Université Paul-Valéry Montpellier et membre du Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive (CEFE), étudie les impacts du développement minier sur la biodiversité. Spécialiste des écosystèmes souterrains, il met en lumière les effets des extractions minières sur les sols et leurs organismes microscopiques, comme les collemboles, essentiels à la santé des écosystèmes. Ces activités génèrent des perturbations majeures, notamment par la dispersion de métaux lourds.
Dans le cas de Saint-Laurent-le-Minier, même après l’arrêt des exploitations, les sols montrent une altération durable des communautés vivantes. Pour Jérôme Cortet, il est indispensable d’intégrer les enjeux écologiques dès la phase de conception des projets miniers. Cela implique des plans de restauration ambitieux, des techniques d’extraction plus respectueuses de l’environnement et la participation des acteurs locaux pour gérer durablement les impacts à long terme.
L’enjeu sociologique : les perceptions et les conflits
Sylvia Becerra, chargée de recherche au CNRS (GET Toulouse), a apporté un éclairage sociologique en explorant la perception des risques et des impacts liés aux activités minières. Elle a souligné que l’opinion publique, souvent défavorable à l’extraction, est influencée par des scandales environnementaux passés et un manque de transparence des acteurs industriels. Dans ce contexte, les conflits autour des projets miniers deviennent inévitables si les parties prenantes – citoyens, élus locaux, entreprises et scientifiques – ne collaborent pas pour créer un cadre de confiance.
Les Géosciences au service de l’avenir
Cette journée a permis d’explorer les Géosciences sous toutes leurs facettes : des origines de la vie aux solutions pour un avenir durable. Les discussions ont révélé une vérité incontournable : les défis climatiques et environnementaux nécessitent une coopération scientifique et sociétale sans précédent.
L’OREME poursuit sa mission avec un credo clair : Observer aujourd’hui pour préparer demain. Retrouvez le replay ainsi que la présentation des interventions et rejoignez-nous pour les prochains événements de l’Année des Géosciences.
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