Résistance aux antibiotiques dans le bassin du Lez

À l’horizon 2050, l’antimicrobiorésistance (AMR) pourrait devenir l’une des principales causes de mortalité humaine. Face à ce constat alarmant, les grandes organisations internationales (OMS, OIE, FAI, UNEP) ont proposé une approche holistique du problème via le concept « One Health », « Un monde, une santé » qui permettrait de considérer globalement la santé humaine, la santé animale et l’environnement. Pourtant, si la gestion de l’AMR humaine intègre maintenant les données de la santé vétérinaire, l’évaluation du rôle de l’environnement dans le cycle épidémiologique de l’AMR et donc de sa dynamique environnementale en vue de sa surveillance demeurent insuffisants.

De nombreux écosystèmes sont concernés par l’AMR et l’eau joue un rôle central dans la dissémination des résistances entre les communautés microbiennes des différents écosystèmes. Les écosystèmes aquatiques sont des intégrateurs qui reçoivent les apports des bassins versants exposés aux diverses activités anthropiques et aux communautés microbiennes du sol, des plantes, des animaux et des hommes.

L’eau est ainsi à la fois une matrice d’interactions, un lieu d’émergence/dissémination d’antibiorésistance à travers les communautés bactériennes autochtones et allochtones (contaminants) du milieu hydrique, et un vecteur potentiel d’AMR vers l’homme puisque la population générale est pluri-quotidiennement exposée à l’eau.

Ainsi, le SO RABLez propose une approche santé-environnement de l’antibiorésistance dans un territoire –bassin versant hydrologique et socio-écosystème.

Les observations de ce SO alimenteront d’abord les réponses aux questions scientifiques suivantes :

• les diverses activités humaines du continuum de la source du Lez (et son environnement karstique) à son embouchure en zone lagunaire créent-elles des conditions favorables à l’émergence, la persistance ou la dissémination de l’AMR ?
• la ville et l’hôpital constituent-ils des hot-spots d’AMR dans le continuum ?
• les épisodes de crues éclairs et d’étiage prolongé sont-ils des hot-moments d’AMR dans le continuum ?
• le suivi de la dynamique de l’AMR dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) et dans les eaux usées peut-il être un proxy de l’épidémiologie humaine ? et donc l’environnement hydrique peut-il être un nouvel outil épidémiologique (épidémiologie basée sur l’environnement hydrique, WBE, (Waste) Water Based Epidemiology) en relation avec les données de surveillance chez l’homme ?
• l’AMR est-elle un paramètre biologique pertinent pour le suivi de la dynamique de recharge de l’aquifère karstique ?
• les observations de l’AMR dans RABLez recoupent-elles l’épidémiologie locale ?

Les données d’observation, du fait en particulier de la richesse et diversité du territoire étudié, permettront, de façon évolutive, d’aborder d’autres questions scientifiques.

Le périmètre territorial du SO RabLEZ inclura :

• l’aquifère karstique du Lez au Nord de Montpellier (colocalisation SO MEDYCYSS / SNO KARST) ;
• le bassin versant du fleuve côtier, le Lez et ses affluents, traversant la zone urbaine de Montpellier (colocalisation OMSEV)
• le CHU de Montpellier (ses réseaux d’eau propres et sales, ses patients, son centre de ressource et de compétence de la mucoviscidose)
• les lagunes côtières traversées ou impactées par le Lez (colocalisation OHM Littoral Méditerranéen)
• la station d’épuration de Montpellier (réseau d’eaux usées, émissaire en mer, Golfe d’Aigues-Mortes).

Les données collectées concerneront la caractérisation (qualitative et quantitative) de l’antibiorésistance en lien avec des données environnementales :

L’antibiorésistance sera caractérisée par :

• la mesure d’indicateurs standardisés en vue de comparaisons intersites : alors que de nouveaux indicateurs d’AMR ont été inclus dans le cadre de suivi des ODD, des indicateurs de l’AMR environnementales sont en cours de définition. Ils seront systématiquement mesurés.
• la mesure de paramètres en lien avec l’épidémiologie locale (bactéries et/ou gènes d’intêret, endémiques ou émergents)

Ces données seront liées à la biocollection de PHySE : collection de souches bactériennes et collection de communautés bactériennes.

Selon les sites de prélèvements, les données environnementales seront :

• les données spatio-temporelles du prélèvement (dont hydrogéologiques)
• les données hydroclimatiques
• les paramètres chimiques (ions majeurs, mineurs, éléments traces métalliques)
• l’hydrodynamique et architecture des réseaux (type de point d’eau ou de zones humides de l’habitat (Etablissements de soin, domiciles), réseau de distribution,…)
• les données clinico-épidémiologiques

Les scientifiques engagé·es dans ce SO sont des membres du laboratoire HSM (HydroSciences Montpellier) et particulièrement l’équipe PHySE (Pathogènes Hydriques Santé Environnement), mais aussi les équipes H2U et Penster pour leur expertise respective en hydrologie urbaine et en chimie. Des praticien·nes-chercheur·es du CHU de Montpellier sont aussi impliqué·es.

Almakki A., Estèves K., Vanhove AS., Mosser T., Aujoulat F., Marchandin H., Toubiana M., Monfort P., Jumas-Bilak E., Licznar-Fajardo P. A new methodology to assess antimicrobial resistance of bacteria in coastal waters; pilot study in a Mediterranean hydrosystem. CR Geoscience. 2017, 349, 310-318.

Almakki A., Maure A., Pantel A., Romano-Bertrand S., Masnou A., Marchandin H., Jumas-Bilak E., Licznar-Fajardo P. NDM-5-producing Escherichia coli in an urban river in Montpellier, France. Int J Antimicrob Agents. 2017, Jul;50(1):123-124.

Aujoulat F., Ragot R., Toubiana T., Bancon-Montigny C., Monfort P., Salles C., Masnou A., Delpoux S., Rio M., Tournoud MG., Marchand P., Jumas-Bilak E., Licznar-Fajardo P. Environmental Antimicrobial Resistance in a Small Urban Mediterranean River: A Focus on Endemic Beta-Lactamases in Clinically Relevant Bacteria. Water. 2021, 13, 2010. https://doi.org/ 10.3390/w13152010