Dans le département du Gard se trouve un site minier abandonné depuis plusieurs décennies. Ce lieu, autrefois au cœur de l’exploitation de plomb et de zinc, a laissé derrière lui un héritage toxique : une rivière nommée le Reigous, qui coule à travers le village de Saint-Sébastien d’Aigrefeuille. Aujourd’hui, elle figure parmi les rivières les plus polluées au monde, avec des concentrations d’arsenic atteignant jusqu’à 100 000 fois la moyenne mondiale des cours d’eau, dont la teneur naturelle est estimée à 1 µg/L. Les eaux du Reigous présentent des niveaux d’arsenic 10 000 fois supérieurs à la norme pour l’eau potable, fixée à 10 µg/L.
Un héritage toxique
Le Reigous est une rivière acide, avec un pH oscillant entre 2 et 4, des eaux riches en métalloïdes tels que l’arsenic et en métaux tels que le plomb et le zinc. Ces polluants proviennent des résidus miniers accumulés sur des montagnes de stériles, témoins du passé industriel de la région. Le problème majeur avec cette pollution est sa persistance : même des dizaines d’années après la fermeture des mines, ces éléments toxiques continuent de s’écouler dans les rivières et de s’accumuler dans les sédiments.
À la source du Reigous, les scientifiques mesurent une concentration en arsenic de 100 milligrammes par litre, alors que la moyenne mondiale pour les eaux de rivière est de seulement 1 microgramme par litre. Cette pollution est tellement intense que seules des formes de vie microbiennes subsistent dans le Reigous : on n’y trouve aucun poisson.
Les défis de la dépollution
L’exploitation minière, qu’elle se fasse en surface ou en galerie, génère une grande quantité de déchets. 1 tonne de minerai exploité permettait de récupérer au maximum 20% de métal d’intérêt (le plomb ou le zinc), laissant derrière 80% de déchets, riches en arsenic. Aujourd’hui, ce sont environ 3 000 tonnes d’arsenic qui sont stockés dans le tas de résidus miniers de Carnoulès et libérés progressivement dans le Reigous.
La pollution ne s’arrête pas au Reigous. Les eaux du Reigous se déversent dans le Gardon d’Anduze, puis dans le Rhône, où les traces de cette pollution sont diluées mais restent détectables, particulièrement lors de fortes pluies. La rivière continue de disséminer ces polluants bien au-delà du site de Carnoulès, un phénomène qui dure depuis des décennies et qui continuera encore si rien n’est fait.
Des solutions prometteuses : la bioremédiation
Face à ce défi environnemental, des scientifiques du CNRS et de l’Université de Montpellier rattaché·es au laboratoire HydroSciences Montpellier et aux laboratoires partenaires se sont penché·es sur une solution novatrice : la bioremédiation. Cette technique consiste à utiliser des micro-organismes, comme des bactéries, pour précipiter les polluants métalliques contenus dans l’eau.. Certaines bactéries présentes dans le Reigous ont démontré une capacité à oxyder le fer et l’arsenic, entraînant leur précipitation et donc leur piégeage de ces polluants dans les sédiments.
Ce processus d’atténuation naturelle de la pollution est un espoir, mais il reste complexe à maîtriser. Travailler avec le vivant prend du temps et demande des recherches approfondies pour comprendre les facteurs qui contrôlent l’activité des micro-organismes et comment les exploiter au mieux.
Des essais en laboratoire et sur site, simulant les conditions du Reigous, ont permis de piéger 70 % de l’arsenic en seulement 8 heures. Mais cette approche doit être combinée à d’autres méthodes pour garantir un traitement complet, durable et efficace à long terme.
Les prochaines étapes : un avenir à construire
Restaurer un écosystème aussi pollué que le Reigous est possible, mais nécessite du temps, des ressources et une coopération scientifique à grande échelle. Les scientifiques continuent d’explorer de nouvelles solutions, testant des dispositifs semi-passifs qui pourraient offrir un traitement plus global. Ces innovations, en plus de bénéficier à Carnoulès, pourront être appliquées à d’autres sites miniers pollués dans le monde.
Le Reigous est un exemple frappant des conséquences environnementales de l’exploitation minière, mais il montre aussi que des solutions existent. Avec la poursuite des recherches et des financements, la science pourrait redonner vie à cette rivière un jour. La tâche est immense, mais l’espoir d’un avenir plus propre et sain est bien réel.
Replay de conférence
Les scientifiques Corinne Casiot, Directrice de Recherche CNRS et Marina Héry, Maître de conférences Université de Montpellier, rattachées au laboratoire Hydrosciences Montpellier ont donné une conférence sur le sujet lors de la Fête de la Science 2024 dans la commune de Saint-Sébastien-d’Aigrefeuille :