Impact des haies arborées sur la qualité de l’air

Image réalisée au service de microscopie (Plateforme MEA – UM) par Frédéric Fernandez

Cette tâche d’observation est menée sous forme de recherche participative avec des associations citoyennes des communes de Mauguio et de Saint-Aunès. Il s’agit de cartographier les dépôts de poussière d’origine anthropique sur les végétaux par des mesures de magnétisme environnemental.

Question scientifique

Selon les derniers rapports de l’Organisation Mondiale de la Santé [1] la pollution de l’air aux particules fines est un enjeu sociétal majeur car responsable de plus de 3 millions de décès à l’échelle globale par an et 85 Millions d’années perdues dans l’espérance de vie en bonne santé (indicateur DALY). Ces chiffres restent préoccupants en France qui comptabilise selon ces rapports environ 11000 décès annuels directement imputés à une mauvaise qualité de l’air ambiant. Le suivi des concentrations des particules fines et une bonne connaissance de leur source d’émission sont deux volets importants dans le traitement de ce risque sanitaire. Le défi sera de développer à court terme des parades adaptées autres qu’une simple diminution des émissions en milieu urbain et périurbain liées au trafic ou au chauffage au bois par exemple. Les demandes sociétales d’information sont de plus en plus importantes concernant ce risque sanitaire. Les études ont démontré qu’il existe une augmentation des mobilisations citoyennes qui interpellent d’une part les pouvoirs publics pour influencer les processus décisionnels pour diminuer la gravité de ses conséquences et d’autre part le monde académique de la recherche pour mieux comprendre l’origine des particules fines sans ignorer toute considération quantitative.

Une mobilisation citoyenne est intervenue suite au projet de déplacement et doublement de l’Autoroute A9 au niveau de la commune de Saint-Aunès (34), à l’Est de la métropole montpelliéraine. Organisée en association (ADPMA9), cette mobilisation a interpellé la commune et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) sur la peur d’un danger, celui de voir une dégradation de la qualité de l’air induite par l’augmentation du trafic. Les riverains ont vu une autoroute passer de 2×3 voies à 4×3 voies. Cette mobilisation a abouti à la création par les ASF d’un site expérimental dont l’objectif est d’étudier l’impact des haies arborées sur la qualité de l’air.

Ce site assez singulier est composé de deux merlons « ASF » plus un merlon communal arborés autour desquels 14 capteurs de mesures sur la qualité de l’air ont été implantés par l’agence de l’air ATMO-Occitanie avec un engagement de traitement et de diffusion des résultats sur une période de 10 ans. Deux stations météorologiques sont aussi opérationnelles aux abords des merlons. Le site est géré par un comité de pilotage regroupant tous les acteurs impliqués (commune, association, entreprises). Sollicités par ce comité de pilotage, nous proposons la mise en place d’une métrologie originale sur le site et ses alentours basée sur les techniques du magnétisme environnemental, techniques permettant « facilement » d’intégrer le citoyen dans un cadre de recherche participative.

Le magnétisme environnemental est une science relativement nouvelle développée dans les années 80 pour l’étude des sols et des sédiments dans des problématiques de paléoclimatologie [2]. Les développements technologiques permettent de détecter aujourd’hui des signaux magnétiques extrêmement faibles sur différents types de matériaux. En particulier, les travaux pionniers de B. Maher et de ses collaborateurs [3] ont montré qu’il était possible de réaliser un suivi des particules fines déposées sur les végétaux en appliquant ces techniques de magnétisme des roches sur des prélèvements de feuilles ou d’écorce par exemple [4, pour une revue détaillée].

L’intérêt d’une telle approche est double. Tout d’abord il s’agit d’analyses rapides et peu coûteuses permettant ainsi de réaliser un grand nombre de mesures. Cette caractéristique est importante dans une problématique de suivi de pollution à long terme où le citoyen joue un rôle actif dans un programme de sciences citoyennes. Par ailleurs, il existe plusieurs paramètres magnétiques qui, combinés ou non les uns avec les autres, permettent d’obtenir des informations sur la nature, la taille et la concentration relative des particules fines déposées à la surface de ces filtres naturels que sont les végétaux. Par exemple une étude préliminaire que nous avons réalisée dans le cadre d’un stage de master dans la métropole de Montpellier [5] a montré sans équivoque le dépôt sur les végétaux en bordure de voies de circulation de particules d’origine anthropique de diverses dimensions et en particulier des particules ultrafines de taille < à 30 nm. Ces particules de taille nanométrique ne sont pas détectées par les mesures réglementaires, or elles présentent une dangerosité potentiellement importante car elles sont susceptibles de traverser la paroi pulmonaire et ainsi passer dans le sang ou encore atteindre le cerveau par le nerf olfactif [6]. Ces nanoparticules sont par ailleurs les plus nombreuses en milieu urbain [7] et l’on sait depuis Paracelse (XVIème siècle) que c’est « dans la dose qu’est le poison ».

Un travail de recherche sera réalisé pendant les 3 premières années afin d’établir le degré de précision de la mesure magnétique sur biocapteurs dans le cadre d’un suivi décennal des particules fines sur le territoire étudié. Ce travail devrait aussi nous permettre de proposer des pistes concernant les solutions pour un piégeage optimal des particules fines par les végétaux en bordure des voies de circulation.

Références:
[1] World Health Organization, Ambient air pollution: A global assessment of exposure and burden of disease, 2016.
[2] Evans & Heller, Environmental magnetism: principles and applications, Academic Press, 293 p., 2003.
[3] R. Mitchell, B.A. Maher, Evaluation and application of biomagnetic monitoring of traffic-derived particulate pollution, Atmospheric Environment 43, 2095–2103, 2009.
[4] J. Hofman, B. A. Maher, A. R. Muxworthy, K. Wuyts, A. Castanheiro, and R. Samson, “Biomagnetic Monitoring of Atmospheric Pollution: A Review of Magnetic Signatures from Biological Sensors,” Environmental Science and Technology, vol. 51, no. 12. pp. 6648–6664, 2017.
[5] P. Camps et al., Magnetic biomonitoring of particulate pollution in the city of Montpellier (France): The relative contribution of vehicles and trams., 15th castle meeting, Dinant, 2016.
[6] B. Maher et al., Magnetite pollution nanoparticles in the human brain, PNAS, vol 113, n39, pp 10797-10801, 2016.
[7] B. Grobety et al., Airborne particles in the urban environment, Elements, vol 6, p229-234, 2010.

Observations

Le réseau d’arbres et arbustes étudiés est en cours d’établissement en collaboration avec les associations citoyennes.

Mesures : concentration et nature des dépôts de particules fines déduites de nos mesures physiques.

Données

Deux types de données seront mises à disposition sur le portail des données de l’Oreme : des cartographies des dépôts et des séries temporelles pour quelques stations.

Contact

Collaborations

Géosciences Montpellier : Delphine Bosch, Equipe DL. Plateforme analytique PALMES.

Académiques : GDR-PARCS (Sylvie Blangy et Lionel Scotto d’Appolonia) et UMR ARTDEV de l’Univ. Paul Valéry Montpellier (Davia Dosias-Perla).

Industrielles : VINCI / ASF

Associatives : ARTIVISTE-Atelier, ATMO-Occitanie, 1 association à Saint-Aunes (ADPMA9), 2 associations à Mauguio

Institutionnelles : Agglomération du pays de l’Or, Commune de Mauguio-Carnon, Commune de Saint-Aunès.

Valorisation

Scotto d’Apollonia, L., Dosias-Perla, D., Camps, P. & Poidras, T. De la biosurveillance participative de la qualité de l’air. Tech. de l’ingénieur Article sollicité, sous presse (2019).